Résumé historique de Vagnas

Publication initiale le 12 juin 2011

L’homme s’est installé en Ardèche dès le Paléolithique, il y a 300 000 ans. Homo Erectus, l’Homme de Néanderthal et l’Homme de Cro-Magnon (notre ancêtre direct) se sont succédé sur notre territoire. Vagnas a été un site d’occupation dès cette époque, en témoignent les nombreux outils lithiques, bifaces, racloirs, pointes de flèches trouvés sur le territoire de notre village. Les chasseurs les plus anciens avaient pour proies l’hippopotame, le rhinocéros et l’éléphant, puis, à la dernière période du Paléolithique (de – 35 000 à – 10 000 ans), époque de grands froids, le gros gibier était principalement constitué d’ours, de mammouths, de rhinocéros laineux. La grotte ornée du Pont-d’Arc, dite grotte Chauvet, la plus ancienne grotte ornée du Monde, située dans la combe du Pont d’Arc, en porte témoignage.

Le Néolithique est marqué par un climat doux. Les hommes vivent alors dans une forêt de feuillus, apprennent à cultiver la terre, à domestiquer et à élever la chèvre et le mouton. C’est l’époque où sont construites ces sépultures que sont les dolmens et où les bergers construisent les enclos de pierres sèches et les capitelles que l’on peut toujours admirer dans notre paysage.

Le dolmen de Champagnac

Il ne reste que peu de traces sur notre territoire des habitants vivant aux périodes de l’Âge du bronze et de celui du fer, seulement quelques bijoux et armes trouvés notamment à proximité de la Goule de Foussoubie.

Après la création de Marseille par les marins grecs, les échanges commerciaux se développent avec l’intérieur du pays et des voies commerciales sont ouvertes. L’une d’elles reliait la Méditerranée à l’Auvergne et passait par Vagnas qui était alors un relais. Une petite garnison y vivait sans doute, il y avait des entrepôts, des bêtes de somme et une « auberge » où les voyageurs pouvaient manger et dormir en sécurité.

Les Romains conquièrent la Gaule, Alba joue le rôle d’une capitale. Une vraie route remplace les anciens chemins (drailles). Construite par Antonin le Pieux, cette voie romaine est jalonnée de « bornes milliaires » plantées tous les mille pas et sont numérotées depuis Alba. Vagnas en compte deux. La première, située au nord du village, la « Pierre plantée » porte le numéro XXXI. Une seconde, marquant le XXXIIIe mille est maintenant exposée au musée de Nîmes.

La Pierre plantée, borne milliaire XXXI de la voie romaine d’Antonin le Pieux.

La paix romaine va durer quatre siècles. De nombreuses et riches villas vont être construites à Vagnas. L’une d’elle, située au nord du village, possédait un temple sur le sol duquel le vicomte Maubert érigera un monastère quelques siècles plus tard. L’agriculture, l’élevage et l’artisanat vont connaître un essor considérable. Deux tuileries, une poterie, un four à chaux vont être construits. Le charbon de bois va commencer à être produit dans les bois alentours, tandis qu’un filon de charbon à fleur de terre va être exploité.

Les Romains apporteront aussi le Christianisme et un baptistère remplace le temple gallo-romain. Nous avons retrouvé les fondations octogonales de sa construction et une cuve baptismale monolithique. C’est le site du Monastier. Il restera le centre religieux du village jusqu’au treizième siècle. Entouré d’une nécropole, ce « lieu saint » sera choisi par le vicomte Maubert pour y fonder son monastère au dixième siècle. Autour de l’église initiale, des bâtiments conventuels vont peu à peu se construire et le monastère sera un lieu de pèlerinage, tout autant qu’une étape pour des pèlerins rejoignant les « grands » chemins de Compostelle. La date de destruction du Monastier reste inconnue, une hypothèse laisse supposer qu’il était lié aux Templiers et que, privé de protection lors de l’internement de ceux-là par Philippe le Bel en 1307, il aurait alors été livré au pillage et à la récupération. Il a assurément servi alors de carrière pour les mas proches et les constructions les plus anciennes du Village comportent quelques pierres, sculptées ou non, qui en proviennent. Le centre religieux est à ce moment déplacé au centre du village.

Les ruines du Monastier, elles sont situées au nord du village.

Au quatorzième siècle, Vagnas est un village fortifié pour se protéger des ravages des Grandes Compagnies et des bandes armées qui sillonnent le territoire. Son église paroissiale, Notre-Dame Saint Sauveur des Fontaines, a été bâtie au douzième siècle (c’est l’actuelle « Maison pour tous »), elle sera consacrée jusqu’en 1882, date de construction de l’actuelle église. Les prieurs, qui sont aussi seigneurs de Vagnas, font alors bâtir une maison fortifiée que l’on appellera ultérieurement « château ». L’enceinte fortifiée, qui occupait l’emplacement de la rue qui cerne aujourd’hui le village, sera détruite sur l’ordre de Louis XIII en 1629.

Dès l’origine de la réforme, les habitants de Vagnas se prononcent majoritairement pour la nouvelle religion comme le fera toute l’Ardèche. L’Église catholique réagit violemment et punit les « hérétiques », ce qui ne les abattit point et leur donna une énergie féroce pour lutter contre la religion dominante. Le massacre des protestants à Vassy, en Champagne, le 1er mars 1562 sur l’ordre du duc de Guise, va ouvrir les guerres de religion qui vont durer près de quarante années.

Comme les villages alentours, Vagnas se révolte contre les Catholiques en 1628 et fait appel au duc de Rohan venant de l’Uzège. Il résidera au château de Labastide et obtiendra quelques victoires contre les villages catholiques alentours, au nombre desquels Salavas et Vallon. Ces épisodes multiples et dramatiques de révoltes se terminent le 28 juin 1629 avec la mesure de bienveillance de Louis XIII, la « paix d’Alais ». Les protestants vont connaître un demi siècle de tanquillité relative.

Le 16 mars 1681, Louvois impose aux protestants de nourrir et loger des troupes de cavaliers, les Dragons, jusqu’à ce qu’ils abjurent leur religion. Au fur et à mesure que les protestants se convertissent, les Dragons sont relogés chez ceux qui persistent dans leur foi. Ils sont obligés de se convertir à leur tour pour échapper à cette charge écrasante. Convaincu que l’édit de Nantes n’a plus de raison d’être, faute de protestants, Louis XIV ordonne sa révocation le 17 octobre 1785 (cet édit, signé par Henri IV, assurait la liberté de conscience aux catholiques comme aux protestants).

Les protestants cévenols passèrent dans la clandestinité et prirent l’habitude de se réunir dans des endroits écartés, les « assemblées du désert ». Faute de pasteurs, les hugenots donnaient la parole à ceux qui voulaient la prendre. Ce fut la période du prophétisme. Daniel Raoux, originaire de Vagnas et mené par une foi profonde, enflamme les foules et convoque de nombreuses assemblées. Traqué par les troupes royales, il est pris le 27 ou le 28 août 1701 et condamné au supplice de la roue, à Nîmes, le 9 septembre suivant.

L’aventure des Camisards débute dans la nuit du 24 au 25 juillet 1702 avec l’exécution de l’abbé François de Langlade du Cheyla qui était à la fois policier, juge et geôlier. Il avait une réputation d’arbitraire et de cruauté. Les Camisards font faire preuve d’une bravoure au combat qui tiendra en échec l’armée royale. La bataille de Vagnas, les 10 et 11  février 1703, marqua la fin de cette insurrection avec la défaite des Camisards, de leur chef Jean Cavalier, et la mort de plus de 300 d’entre eux. Le village de Vagnas a été presque entièrement brûlé et de nombreuses maisons anciennes portent encore aujourd’hui les traces de l’incendie.

Jean Cavalier, tableau de Pierre Antoine Labouchère, conservé au musée du désert.

La totalité des droits civils fut rendu aux protestants le 17 novembre 1787 avec la promulgation de l’édit royal de Tolérance. Ce n’est qu’en 1791 que la Constitution accorda à tous les Français la liberté de culte.

La vie rurale dans l’Ardèche méridionale présente deux éléments contradictoires à la veille de la Révolution : labourages superficiels, élevage intensif, habitat insalubre d’une part, et, malgré l’éloignement des grands centres, population qui suit les événements avec intelligence et qui fait preuve de beaucoup de maturité. Protestants et catholiques sont alors présents en nombre à peu près égal et vivent tant bien que mal ensemble. Vagnas regroupe alors près de 1 000 habitants. La région, à la veille du Directoire, est en partie ruinée, délaissée par les courants commerciaux. Elle est privée de ses cadres partis en exil, de sa jeunesse enrolée à l’armée ou se cachant dans les bois pour échapper à la conscription. Elle va pourtant trouver l’énergie nécessaire pour rebâtir et tirer partie de ses ressources.

L’élevage du ver à soie, présent dès 1596 aux Vans et encouragé par Olivier de Serres – enfant de Villeneuve-de-Berg – peu avant 1600, est alors pratiqué à Vagnas. Le mûrier est un arbre qui se plaît dans la région, il fournit les deux récoltes annuelles de feuilles nécessaires à l’élevage. L’abondante main-d’oeuvre requise est disponible, car les périodes d’utilisation se complètent avec celles des cultures de la vigne et de l’olivier. Enfin, l’apport financier initial nécessaire est insignifiant.

Vers à soie âgés de 21 jours.

L’élevage (on dit « l’éducation ») des vers à soie nécessite beaucoup d’espace, c’est la raison pour laquelle les maisons de Vagnas sont si volumineuses. La magnanerie (un ver à soie se dit « magnan » ou « manhan » en occitan) est le lieu de cette éducation. Les « courradous » terrasses couvertes munies d’arcades caractéristiques de l’habitat de Vagnas étaient utilisées lors du dévidage des cocons, opération particulièrement malodorante.

Courradou d’une maison vagnassienne.

Les moulinages et filatures, installées localement en grande quantité, offriront également des emplois en nombre aux Vagnassiens.

La concurrence de la soie asiatique importée en quantité par la marine anglaise, puis l’apparition des matières synthétiques mettront fin à cette relative richesse économique. Les dernières filatures fermeront une à une au cours des années soixante.

Le sous-sol de Vagnas a été exploité au début de dix-neuvième siècle pour en extraire du lignite, des schistes bitumineux et de la terre réfractaire. Ce gisement est situé à la limite nord du bassin minier d’Alès et jamais une socité minière n’a duré plus de vingt ans. La dernière a cessé son activité en 1947.

Les réserves encore en place ne sont pas négligeables et, alors que les réserves mondiales d’hydrocarbures diminuent, attirent la convoitise des sociétés pétrolières, la technique dite de « fracturation hydraulique » leur permettant d’extaire le gaz qu’elles contiennent. Ce procédé très dangereux pour l’environnement (entre autres par la quantité de produits chimiques injectés dans la roche pour la disloquer), consommateur de quantités considérables d’eau (plusieurs millions de mètres cubes par forage), transformera à coup sûr le paysage de façon dramatique et irrémédiable pour des décennies. Par ailleurs, l’uranium emprisonné dans la roche sera alors libéré et la radioactivité des sols pourra devenir trop élevée pour y maintenir un habitat humain. Un mouvement unanime de contestation « Stop au gaz de schiste » soulève l’Ardèche (et le Gard) contre ce projet qui anéantirait des années d’efforts pour faire de notre région une merveille qui attire les touristes et pour que ses produits soient d’une qualité reconnue.

Le texte de cet abrégé de l’histoire de Vagnas est très largement documenté à partir de l’ouvrage de Paul Chauvel « Le temps de Vagnas ».

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